makarotte.com

C’est un peu comme un jour de rentrée des classes, mal au bide, appréhension, la différence c’est que là je sais que je vais vraiment me faire défoncer. Je n’aurais pas pu être gladiateur hein, l’idée de savoir qu’on va s’en prendre plein la gueule à coup sûr, je veux dire sûr et certain, pas facile… 

Le taxi était là à l’heure, aimable bien que nerveux de la boîte de vitesse, quand je suis entrée dans la voiture la radio s’est mise à chanter « It’s a kind of magic… », j’ai pris ça pour un bon signe. En plus quelques minutes plus tard c’est « Video killed the radio star » qui est passé donc c’était forcément une bonne matinée ! 

Dans la salle d’attente punaise, je me suis retrouvée à remonter le moral à une dame d’une soixantaine d’années qui allait faire sa seconde chimio mais avait très très mal supporté la première, cancer digestif aussi. J’ai eu l’impression d’être une vétérante ou bien d’expliquer les choses à une stagiaire : 

- Oui ça va être dur, oui vous serez fatiguée comme jamais, mais vous allez vous en sortir, après on s’en remet croyez-moi ! 

- Après la deuxième ou la troisième ? 

- Euh non, après la douzième, quand c’est fini, après… on s’en remet! 

Elle a fait une sacré tronche, la pauvre.

Et puis ça a été son tour et je lui ai dit « Allez, hauts les coeurs ! ».

C’était comme parler de l’accouchement à une jeune fille, tu veux pas lui mentir mais tu ne veux pas l’effrayer non plus. Bref j’ai dit que des trucs vrais mais en évitant de chialer. Bravo moi!

Après j’ai attendu qu’on vienne me brancher pour m’administrer mon traitement dans une salle avec 3 autres cancéreuses dont 2 avaient l’air très très mal en point, bon… dans ces cas là je me dis que statistiquement c’est bon pour moi hein. On se rassure comme on peut. Là encore j’ai joué la tôlière en faisant cesser le bip de présence de l’infirmière qu’elle avait oublié d’enlever en partant et qui prend bien la tête et j’en ai été remerciée par une des deux dames au visage de cire et puis l’infirmière m’a remercié aussi parce que je lui ai proposé de me donner un tube à analyses d’urine en avance pour la prochaine fois, histoire de ne pas perdre de temps à mon arrivée, elle était contente que je lui propose. Bref… organisatrice un jour, organisatrice toujours.

Voilà, voilà… ensuite l’oncologue est passée, elle a dit à une des femmes au visage de cire que oui c’était normal qu’elle ait des engourdissements des bras et des jambes et qu’on ne pouvait rien y faire, bon, je me suis dit qu’il n’y avait donc pas qu’à moi qu’invariablement là réponse à mes maux était soit « Ah ben ça c’est la chimio! » ou « Ah ben non ça c’est pas la chimio ! » sans pour autant donner de solution. Et j’ai attendu… attendu… attendu…

Ensuite les dames aux visages de cire se sont réveillées et ont discuté, elles ont eu l’air beaucoup plus vivantes du coup, c’était pas mal non plus. 

Et j’ai eu mon traitement. Ça c’est bien passé. 

Ensuite je suis descendue attendre mon taxi, une des dames sortie avant moi m’a dit que le sien ne l’avait pas attendue parce qu’elle était descendue avec 10 min de retard, il ne l’a même pas appelée ni rien, il s’est juste barré ce con et elle, elle n’avait plus qu’à attendre qu’il revienne… non mais on n’est jamais déçu avec les taxis VSL hein, toujours plus débiles ! Le mien, il a fallu que je le débusque en toquant aux fenêtres parce que comme tous les autres il s’est garé, mais n’a pas cherché à savoir si parmi les gens qui attendaient il y avait sa course, et, sa voiture ne portant pas spécialement de signe distinctif de sa compagnie bon ben c’est à toi de deviner avec ton 6ème sens que celui-là c’est le tien et puis ensuite comme un bon chauffard il a tenté de faire toute la route sans s’arrêter, et vas-y que je me bouffe du coussin berlinois sur 2 roues à 60 km/h, et vas-y que j’accélère même si la ligne droite ne fait que 50 mètres, et vas-y que je ne freine pas avant que ce soit sûr sûr vraiment sûr que le feu qui est orange depuis déjà plusieurs secondes ne le sera pas encore quand on arrivera au bout de la ligne droite, que la voiture qui est arrêtée devant soit toujours là quand on arrive à 30 cm d’elle, que le chauffeur du bus ne décide pas finalement de laisser la priorité aux autres voitures alors que le feu de sa voie est vert… on ne sait jamais hein?! Par contre au bout de ma rue, là je n’ai pas compris, il s’est arrêté au vert, j’ai dû lui dire 2 fois que le feu était vert là en fait ????!!!  Hyper rassurant de voir que le gars, sur la route toute la journée, fait n’importe quoi! 

Ames sensibles s'abstenir, aujourd'hui pour fêter la fin des chimios (Et qui est-ce qui a battu le cancer? C'est moioioioioioi! Et une deuxième fois en plus!), je vais vous parler de caca. Oui parce que moi désormais, depuis près de 3 ans je suis devenue un peu experte sur le sujet, telle une psychopathe (ou une Allemande, oui il paraît que s'il y a des toilettes avec une espèce de fond un peu plat avant le trou en Allemagne, alors qu'en France on est plutôt sur une forme en entonnoir, c'est parce que les Allemands souhaitent vérifier l'état de leurs selles et donc de leur santé, oui c'est le moment culturel de cet article, profitez-en, instruisez vous bon sang), moi donc à présent je regarde régulièrement l'état de mes excréments. Alors oui, dit comme ça, d'un coup je sens le vent de la gêne souffler mais ce n'est pas grave parce que si vous étiez passés par tous les emmerdements que j'ai traversés avec leur cortège de petites humiliations vous sauriez que cette question de la défécation n'est pas la pire.

Tout a commencé une fois où j'étais dans la salle d'attente du gastro-entérologue, dans laquelle une affiche exposait toutes sortes de dessins de cacas avec le problème associé.
Y'avait les petites boulettes que si tu n'es pas un lapin ben c'est pas la fête; les boulettes compressées façon César, qui vont bien t'exploser le fondement quand ta récompense arrivera; Ou de l'autre côté, le nuage de merde expansée, ou encore la bien nommée courante, la véritable chiasse à cours, contre laquelle on ne peut faire face, la seule solution étant de courir pour arriver à temps aux toilettes et éviter l'humiliation ultime, celle devant laquelle même une petite ceinture ou un bouton de jeans récalcitrant peut s'avérer être un véritable ennemi. Je les ai toutes expérimentées. Quelle joie!
Quelle joie de se réveiller en sursaut pour courir jusqu'aux toilettes et éviter de faire comme Spud dans Trainspotting ou de passer la moitié de sa journée sur les chiottes en se demandant comme est-ce Dieu possible de chier autant. Y'a bien une limite de contenance non?

Et la couleur? On en parle de la couleur? Non parce que le rouge et le noir tout le monde le sait, si on n'est pas sur de la chronique du 19ème siècle, ce n'est pas terrible, à moins d'avoir abusé des betteraves ce n'est pas bon signe du tout. Mais le blanc? Oui la couleur mastic, vous connaissiez, vous? Moi j'ai découvert, alors instruisez-vous bon sang, instruisez-vous, autant le vert, bon, ce n'est peut-être qu'une histoire d'aliments colorés, autant le blanc ce n'est pas bien non plus, à moins d'être un clébard qui a mangé trop d'os, cela signifie que votre foie a lâché l'affaire. Moi le mien à un moment il a décidé que toute cette chimie à filtrer s'en était trop.

Bref, vous l'aurez compris, rien ne vaut un beau bronze.

Alors comme l'administration de l'Education Nationale ne recule devant aucun paradoxe ni aucune mesquinerie ou pressurisation de ses troupes, en ce début d'année, on m'a demandé de me rendre chez un médecin-expert pour valider le fait que je ne pouvais pas reprendre le boulot fin février. Oui parce que moi, en septembre, j'avais demandé un an d'arrêt maladie, parce que je savais d'expérience hélas ce qui m'attendait comme problèmes avec la chimio mais le comité médical du rectorat a pensé que 6 mois c'était déjà bien. Me voilà donc partie chez l'expert. Bon, l'expert en question, je l'avais déjà rencontré en octobre ou novembre 2021 pour renouveler mon mi-temps thérapeutique et déjà à l'époque il m'avait surtout donné l'impression d'être expert en retard plus qu'en oncologie voyez-vous. Alors là, rebelote, près de 3h d'attente dans la salle d'attente alors que j'avais rendez-vous à 13h donc je ne sais même pas comment c'est techniquement possible. Le gars a un cabinet médical, il n'opère personne en urgence, ne part pas en courant avec les pompiers ou je ne sais quoi. Donc je peux comprendre qu'il prenne des bronchiolites en urgence ou autres mais bon 2h45 de retard? Déjà quand je suis arrivée pour mon rendez-vous de 13h, y'avait une vieille qui attendait pour son rendez-vous de 10h45 ... c'est un coup à mourir d'inanition ça ! Enfin moi je trouve que c'est de la maltraitance en vrai, franchement, passer près de 3h dans une salle d'attente pas vraiment chauffée (la dernière fois elle ne l'était pas du tout or avec ma précédente chimio j'étais ultra sensible au froid, un vrai plaisir), avec tout plein de malades quand soi-même on n'a plus d'immunité, quand on ne sait jamais si pendant ces heures là, la chimio va vous laisser tranquille ou décider de vous faire chier en spray toutes les 12 minutes, quand vous avez tantôt mal aux intestins, mal à l'estomac, mal au dos, mal au crâne, enfin bref, la rate qui se dilate et l'estomac qu'est pas droit quoi, c'est de la maltraitance.

Puis enfin, ça a été mon tour.

Et là l'expert ne m'a posé aucune question sur ma chimio actuelle, comment ça se passait, comment je la supportais, quels effets secondaires je dois me coltiner, comment je vais tout simplement. Non. Il m'a posé des questions sur mon cancer de 2020, il a fallu que je lui redonne les dates des opérations, des traitements, les noms des différents médecins consultés, les chirurgiens. Comme il notait tout sur une feuille A4 en faisant des flèches dans tous les sens, je lui ai dit que j'étais déjà venue le voir y'a un peu plus d'un an, mais bon, il n'a pas pour autant été chercher dans ses dossiers non, il a continué de renoter les mêmes réponses aux mêmes questions qu'à l'époque, ne s'est pas intéressé plus que ça à ma récidive de cancer non plus, a lâché un "Ah vous n'avez pas eu de rayons? c'est bien!", comme si c'était vraiment bien d'avoir eu tout ce que je me prends dans les veines depuis 2 ans et demi ... perplexité et sidération.

Après il m'a ausculté, alors là, comme la première fois, il a mesuré toutes mes cicatrices, bon le mec je crois est fétichiste des cicatrices parce qu'il était tout content de me demander de lui montrer MA cicatrice. Je lui ai répondu que des cicatrices j'en avais plein et en l'occurrence je n'en ai que 3 de plus que la dernière fois où on s'est vus mais bon, les nouvelles cicatrices il les a mesurées et pas toutes d'ailleurs mais les anciennes elles lui plaisaient vraiment bien apparemment, il était tout jouasse. Bon comme moi je l'étais beaucoup moins je ne lui ai pas montré ma cicatrice de césarienne cette fois, oui parce que la dernière fois il l'avait déjà mesurée alors que vraiment l'intérêt dans ce qui m'amenait chez lui était tout de même à prouver, hein, donc là, voilà, privé de cicatrice de césarienne, vilain garçon, voilà!

Il m'a pesée, mesurée en hauteur, en largeur, non mais c'est quoi son délire? Surtout qu'il ne m'a pas demandé si mon poids avait varié hein, juste le gars aime mesurer des trucs, et après peut-être qu'entre deux patients il se chtirlipote le schmilblick tout seul dans son bureau en regardant toutes ses mesures et du coup c'est pour ça qu'il prend parfois 20 minutes entre chaque patient et au final est en retard de 3h sur une demi-journée de consultations!!!

Il ne m'a pas posé de question sur ma santé mais par contre il m’a posé des questions sur l’école, le nombre d’élèves, comme si je me rappelais le nombre d’élèves de cette année alors que j’ai décroché depuis 6 mois et que clairement la chimio me fatiguant énormément, j'ai parfois de gros problèmes de mémoire, il m'a félicité parce que « c’est une bonne école cette école, bravo pour votre travail! », j'étais sur le cul (enfin non, en vrai là j'étais allongée parce qu'il était en train de me mesurer avec son mètre ruban tout pourri qu'il avait du mal à démêler). Non mais je n’y ai pas foutu les pieds depuis juillet dernier dans cette école et je m’en fous, bon sang, ce n’est pas mon problème, mon problème actuellement c’est ne pas mourir punaise, qu'est-ce que j'en ai à foutre de son ressenti sur cette école, il croyait que j'étais venue pour rempli un putain de questionnaire de satisfaction ou quoi, merde à la fin! Y'a des jours où je suis tellement fatiguée que même m'habiller est un effort qui m'oblige à faire une sieste ensuite, j'ai quasiment sans cesse les symptômes d'une crise de foie, d'une gastro et d'une gueule de bois monstrueuse réunies, j'ai perdu des cheveux, j'ai pris 12 kilos, j'ai mal au dos, j'ai mal au cou, j'ai mal au crâne, j'ai mal au pieds, j'ai peur... et l'autre con me félicite pour le travail que je ne peux pas exercer correctement depuis bientôt 3 ans ???!!! Sans déconner ! J'aurais été me faire expertiser chez Renault ou Carglass que ça n'aurait pas eu moins de sens! Et au moins, eux, avant de me laisser partir, ils m'auraient passé un petit coup de polish.

Pour fêter mon retour en chimio après une pause de 3 semaines, l’entreprise de taxis m’a envoyé un prix Nobel. Déjà je voulais un taxi à 7h30 et quand j’ai appelé pour réserver, la dame m’a imposé un départ à 7h15 parce que « c’est le bazar à cause des travaux chez vous », certes dans la ville c’est le bazar mais moi j’habite en sortie de ville et du bon côté par rapport à la clinique donc après y’a les bouchons du matin pénibles mais classiques, 45 min c’est bien pour y aller pas la peine de s’y prendre une heure à l’avance. 

Sauf qu’en fait la meuf du taxi elle gère ses clients comme ses chauffeurs, elle leur donne des fausses heures pour qu’ils soient à l’heure au final, je le sais parce qu’elle m’a dit qu’elle faisait ça pour ses chauffeurs, mais moi meuf je m’en fous de ta combine… d’ailleurs je ne suis pas la seule puisque le gars s’est pointé avec 18 min de retard, à 7h33 donc sauf que moi j’étais prête depuis 7h15 du coup.

Alors là il me dit qu’il a galéré parce que mon adresse n’est pas reconnue ni par Waze ni par son GPS et c’est là que je le regarde mieux et je reconnais le connard qui ne sait pas écrire et n’a jamais su trouver mon adresse enlatapant. Bref, nous partons, on se retrouve dans les bouchons, classique, et puis à un moment il change de route, j’ose un « mais vous allez passer par où ? » et là il me donne le nom de la rue qu’il veut prendre très fier de lui « parce que là vous avez bien vu que ce n’était pas possible ! », oui enfin, tu avançais tranquillement dans les bouchons et j’aurais été à l’heure en fait parce que cette route je l’ai faite 100 fois à cette heure-ci et ça va le faire mais non, il a fait tout un détour donc d’abord d’un quart d’heure pour se retrouver à 3 min de chez moi par un autre chemin plus direct et ensuite aller se foutre dans les plus gros bouchons du coin, de notoriété publique, genre à l’arrêt pendant de longues minutes. Il était là comme un con à râler alors comme je suis sport et que j’aime la castagne je lui ai dit tranquillement :

- On ne va pas être à l’heure .

- Ah ben oui mais vous vouliez passer par où ?

- Ben par la route là bas, où on était.

- Ben vous avez bien vu que ça n’avançait pas?!

- Parce que vous avez l’impression que ça avance ici?

BAM, lâché de micro! 

Ensuite il n’a fait que répéter plusieurs fois en râlant qu’il aurait mieux fait de prendre la voie de bus en site propre mais qu’il n’a pas le droit, que les gens sont des cons parce qu’ils ne prennent pas le bus mais leur bagnole, que ceci que cela, en boucle, à faire des remarques sur tous les gens qu’il voyait au volant, à coller au cul des bagnoles de devant très très très près, à klaxonner quand les gens ne peuvent pas avancer de toutes façons …

Punaise mais il suffisait de suivre gentiment le flot de la première route et on y serait là ! Du coup je lui ai redit que ses collègues prenaient l’autre route et que ça se passait bien alors que cette route-ci était notoirement bouchée aux heures de pointe, je savais qu’il ne m’écouterait pas et repartirait dans la même litanie sur la voie de bus, les gens qui ne prennent pas le bus etc etc, mais je l’ai dit quand même, pour le faire chier, pour l’amour du sport, parce que ce matin j’avais assez de patate pour ne pas lâcher du lest à ce genre de connard, même que je lui ai fait le coup deux fois, ben oui lui il a repris sa litanie je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas eu le droit de rejouer moi aussi surtout qu’il a râlé en disant qu’il allait être en retard pour sa course suivante alors ça m’a saoulé parce que moi j’étais déjà en retard pour mon traitement contre le cancer et que ce retard va sans doute foutre en l’air toute ma matinée voire même ma journée donc je le lui ai redit que l’autre route était mieux. Dans ta face ! Punaise… 

On a mis 1h15 pour au lieu de 45 min avec les bouchons habituels de la route classique. 

Enfin soyons positifs, je ne suite pas prête à me résigner à laisser ce genre de débile avoir le dernier mot c’est que je suis encore en vie hein, bon par contre cela signifie aussi que j’ai pas fini d’en croiser.