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makarotte.com

Ecole, rire et râleries.

Et la lumière fut

Publié le 23 Mars 2016 par KRo

Je prends Désyré dans mon bureau entre 4 yeux, depuis ce matin, il fait chier : il est venu avec un téléphone portable, a mis la musique dessus pendant qu'il était en classe, ne fait que répéter qu'il ne travaillera pas tant qu'on ne le lui aura pas rendu (mais si on lui rend, va-t-il enfin comprendre, en CM1, que B et A font BA et pas LE, mystère magique?), il s'est couché puis roulé par terre pendant que la classe regardait une vidéo, s'est échappé alors que sa maîtresse l'avait mis un peu dans le couloir, il a fallu partir à sa recherche, il fait des doigts d'honneur à tout va et, alors qu'il est puni, il s'en va courir dans la cour. Bref, il fait chier, je ne vois pas comment le dire autrement, et donc je m'en vais le lui signifier de toute mon autorité.

D'habitude, il se tient plutôt bien dans mon bureau et j'arrive à apaiser les choses, mais là, moi-même je n'ai pas envie d'être conciliante, même quand on n'a pas la lumière dans toutes les pièces, j'estime qu'on n'est pas obligé d'en profiter pour être pénible. Ce gosse a une vie plutôt merdique certes, mais il ne fait que ce qu'il veut (d'où le portable indispensable quand on est en CM1, car comme a dit sa mère : "Ne le prends pas fils, y'a personne qui va t'appeler de toutes façons!", aucune envie de fermeté maternelle mais tout de même un peu de bon sens, n'est-ce pas?).

Il est là donc, vautré sur une chaise, me répondant mal. Je me lance dans un discours mi-admonestation mi-sermon :

- Mais, si tu étais à la place de la maîtresse, tu voudrais t'occuper d'un élève comme toi?

- Bah, c'est son boulot!

- Euh, non, son travail c'est de faire progresser les élèves, pas de les supporter (petit con).

Et j'en arrive banalement à :

- Mais pourquoi est-ce que tu viens à l'école?

- (Lui, en litanie.) Pour apprendre à lire, à écrire et à compter.

- (Moi, en mode Super Nanny.) Et tu crois vraiment qu'avec cette attitude là, tu vas réussir à apprendre à lire?

- A-AH! Les aut' y savons lire alors tu leur disons pas ça aux aut' hein!
(Avouons-le, rien que pour cette réplique, l'instant vaut d'être vécu, c'est de l'or en feuilles.)

- Ben non, je ne leur dis(ons) pas ça, mais je leur dis : "Tu crois que c'est comme ça que tu vas apprendre des choses?". On n'apprend pas que à lire et à écrire ou à compter à l'école, tu sais?!

- ...

Enfer et putréfaction, je crois qu'il ne savait pas dites donc (enfin, disez donc ou tu disons donc), il m'a regardé d'un air de défi et m'a dit :

- Ah ouais, ouais, et ben vas-y, dis un truc d'autre qu'on apprend à l'école hein! Allez, vas-y UN truc! (comme j'aurais pu lui dire "Donne-moi une seule bonne raison pour ne pas t'en coller une." Pareil.)

J'ai tâté furtivement l'abîme insondable de son incompréhension, la profondeur abyssale m'a d'abord fait bredouiller puis je lui ai sorti :

- Les pourcentages, les vitesses moyennes (oui, oui, ça fait partie de ce que je vais bientôt attaquer avec mes élèves alors c'est ça qui est sorti en premier), les intégrales (ça, pourquoi, je ne sais pas), l'histoire de France (Ah ça oui : "Vive la France!").

Il m'a regardé à la fois interdit et suspicieux. Alors j'ai continué, revigorée que j'étais d'avoir repris la main :

- Mais enfin, tu te doutes bien que les enfants de CM2 par exemple, ils n'apprennent pas les mêmes choses que les CP? Tu le vois bien dans ta classe, les autres, ils apprennent autre chose...

Bah vu sa tronche, il ne s'en était jamais rendu compte. En même temps, je vous rappelle que lui ça fait déjà 4 ans (enfin, si on compte un temps complet de présence ça ne doit faire que 2) qu'on se racle la couenne à lui prévoir, en gros, un programme personnalisé de CP en maths et français donc bon il a des circonstances atténuantes. Mais enfin? il ne s'était jamais vraiment posé la question de ce que peuvent faire les autres élèves pendant que lui et son nombril hypertrophié continuent à nous sortir "B et A, ah oui, je le connais celui-là, ça fait LE." Punaise, mais ... allez, file-moi ton Bic là, je suis certaine que si j'insiste bien et que je me fais des centaines de petits pointillés au même endroit, je vais réussir à m'ouvrir les veines.

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Violent, c'est trop violent

Publié le 20 Mars 2016 par KRo

Fallait que ça arrive un jour, c'est arrivé, je crois que je me suis fait grillée en flagrant délit de foutage de gueule ... je vous raconte :

Une mère d'élève est venue me voir à la sortie des classes pour me dire qu'elle souhaitait revenir sur ce qui avait été écrit dans le compte-rendu (relu puis signé par tous) de la réunion de l'équipe éducative concernant son fils, réunion faite quelques jours plus tôt. Mais elle voulait, non pas revenir sur un truc qu'elle avait dit elle, mais sur des propos tenus par la maîtresse. En somme, après plusieurs jours de réflexion (à croire qu'on lui avait vendu un aspirateur au porte à porte), madame voulait réviser le passé. "Service après-vente, bonjour."

Autant vous dire que déjà j'avais envie de me marrer parce que je ne vois pas comment on peut avoir une idée pareille. C'est drôle, non, d'imaginer qu'on va pouvoir tordre la réalité comme ça nous arrange et faire dire aux autres ce qui nous convient. Elle s'est pris pour une membre du Politburo. Donc, elle est venue me dire que j'avais noté que la maîtresse avait dit que son fils pouvait être violent et que ce n'était pas possible de laisser ce mot sur le compte-rendu :

- Oui, MON fils n'est pas violent, c'est trop fort comme mot.

- Euh ... quand il fait exprès de coincer la main de sa voisine entre leurs tables, en poussant sciemment la sienne d'un coup sec, c'est violent!

- Mais est-ce qu'elle l'a vu la maîtresse? Parce que MON fils, lui, il dit ...

Eh,eh,eh ... c'est bon ça non?

- Mais madame, c'est justement ce qu'on a dit en réunion (vous êtes narcoleptique ou quoi?), à chaque fois qu'on le gronde, même quand on le prend sur le fait, il nie, voire se met à pleurer.

Et là, elle repart :

- Oui mais violent quand même c'est trop fort. Les enfants il faut les féliciter, les encourager!

- Oui, on le fait aussi. Mais là on ne va pas l'encourager à se tenir mal, non plus.

- Parce qu'avec mon mari on trouve que c'est vraiment exagéré comme mot. Et puis j'en ai parlé à une psychomotricienne (une amie à elle) et elle trouve aussi que c'est fort.

Mais de quoi elle se mêle celle-là, c'est bon ça aussi, la caution de l'amie psychomotricienne. Non parce qu'à ce rythme là, moi je dois pouvoir trouver une amie prothésiste ongulaire qui dira le contraire.

- Ecoutez, je ne vous dis pas que votre fils est un psychopathe, mais bon, il peut être violent et taper les autres, notamment en récréation. Et c'est un problème.

- Oui mais c'est trop fort.

Punaise, j'étais en face de Didier Bourdon qui répétait en boucle non pas "Stéphanie de Monaco" mais "Oui mais là, violent, c'est trop fort.". J'ai bien compris qu'il fallait mettre fin à la conversation, j'ai rassemblé mes forces pour le faire tout en gardant le sourire.

- J'ai bien compris, j'ai bien compris... allez, par ici la sortie, et n'oubliez pas le guide!

- Parce que je suis venue le surveiller 4 fois en récréation et je ne l'ai jamais vu taper personne.

Oui, nous aussi on t'a vue venir couver ton fils. Et si tu étais honnête tu dirais que tu es venue plus de 4 fois et que même il est arrivé que quand même tu le vois taper un autre gosse. Mais bon, sans doute cela a-t-il été effacé de l'histoire, que dis-je, de la légende officielle de ton fils. Donc là tu es venue 4 fois dans la semaine, tu n'as donc pas de vie, et sur ces 4 fois 15 min, il n'a tapé personne. C'est beau, je me demande comment on n'a pas encore pensé à lui préparer une petite fête. Yououh! hissez la banderole!

Bon bref, j'ai essayé vainement de lui expliquer que sur les 300 élèves qu'on voyait passer chaque année, bien qu'il ne soit pas le pire, son fils n'avait pas quand même un comportement normal d'élève, mais bon elle ne m'a pas écoutée, toute entière à son leitmotiv : "trop fort, c'est trop fort". Du coup je ne lui ai pas rappelé que c'est son fils qui l'an dernier avait traité sa maîtresse de "Cochon de pute" (c'est bon ça ;p, d'ailleurs, avec les collègues cette insulte nous a bien fait 6 mois). Et ça, les insultes envers les enseignants, même chez nous ça n'arrive pas souvent (enfin si on met à part un gamin comme Manu intégré chez nous dans le cadre de son handicap). La dernière fois c'était il y a deux ans. Donc pas psychopathe le môme mais sociopathe peut-être ... eh, eh, eh ...

Un quart d'heure plus tard, je traversais le parking, désert, avec une collègue pour aller déplacer ma voiture qui gênait la sienne, j'en profitais pour lui raconter l'histoire, et nous voilà riant à gorges déployées devant l'absurdité de la situation de cette maman ne se demandant pas comment faire évoluer le comportement de son fils mais bien de comment faire pour ne pas que ça se sache. Je bouge ma caisse, je sors et là à quelques mètres, de l'autre côté de la rue, je vois et j'entends la maman dire à une autre : " ... et là, elle rigole!"

Et bien je crois que la copine de Stéphanie de Monaco a été brutalement confrontée à la réalité : Le lampadaire, c'était elle!

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