Je vais vous parler de Mylène, une nouvelle collègue qui est juste insupportable. Avant toute chose, je voudrais dire que Mylène est sans doute une bonne enseignante, elle a l'air de faire tout bien les bonnes méthodes avec des fiches autocorrectives et des plans individualisés et tout le toutim mais bon ... elle me saoule. Et c'n'est pas rien de le dire. Et d'ailleurs, bim je balance, je ne suis pas la seule dans l'équipe à penser de la sorte.
Ça fait à peine un mois que je la côtoie et déjà quand je la vois, je pars en crabe et je change de direction. A tel point que si un jour je devais me retrouver dans la même pièce que Mylène et le maître G, je ne saurai plus vers où fuir et je risque de courir en rond jusqu'à l'épuisement comme un chat pourri qui aurait une gousse d'ail dans le derrière.
Déjà Mylène ce n'est pas quelqu'un avec qui on peut avoir une conversation comme ça au cours de laquelle chacun donne son avis, un échange quoi. Non pas possible, Mylène est de la race des gens qui ne te parle pas mais qui t'enseigne. Tout le temps!
Mylène c'est la meuf qu'est capable de te donner la formule de l'huître pendant le repas du réveillon. Elle n'a pas une discussion avec toi, elle t'instruit. Tout le temps!
Elle professe. Elle t'indique LA bonne méthode, SA façon de faire, je dirais même plus, sa façon trop maligne de faire. Parce que Mylène est très très contente d'elle-même et aime à le diffuser. Elle te parle toujours en avançant le cou vers toi, légèrement par en dessous, un peu comme une tortue, en plissant à moitié une paupière en un espèce de clin d’œil légèrement espiègle, parce qu'elle se sent toujours assez rigolote de surcroît. Donc quel que soit le sujet, Mylène t'enseigne comment elle, elle fait les choses trop bien.
Et attention, si elle est de l'autre côté de la table déjà tu te demandes si elle va pas monter à quatre pattes dessus ("Paul, une Tourtel!") tellement elle se penche vers son auditoire, mais quand elle se trouve à côté, c'est effrayant : elle vient se coller à 20 cm de toi et se contorsionne de façon à coller son oreille vers ton menton par en dessous puis après avoir frisé de l’œil en ta direction (mais qu'est-ce qu'elle a celle-là, qu'est-ce qu'elle me veut?), elle se met à te parler tout près, bien trop près.
En conséquence, quand elle parle, mon cerveau se met automatiquement en mode brouillage :
- Ce matin, Anisse est sorti de la classe parce qu'il était contrarié alors moi j'ai ...
"Mais pourquoi elle avance le cou comme ça? tu crois qu'elle a une langue comme un caméléon, genre en un quart de seconde, elle va choper une mouche sur le mur derrière toi?"
- ... et du coup (clin d’œil super complice et petit rire coquin), là moi j'ai dis...
"Mais à qui elle parle là exactement? Oh et pis elle glousse, rhoooo naaannn..."
- ... et alors là tu vois (petit bruit d'autoapprobation du type "Hhin" légèrement mutin) moi du coup j'ai ...
"Roh mais ta gueule! Jamais tu t'arrêtes de parler, c'est dingue ça! De toutes façons je n'ai rien écouté, j'attends que tu reprennes ton souffle pour essayer dans placer une, clore cette conversation et partir en courant."
Oui, invariablement, dans un élan de préservation primaire, mon esprit s'évade. Inévitablement. Je n'arrive pas à suivre une seule conversation en entier, et pourtant j'ai vraiment essayé de m'y astreindre, mais rien à faire.
C'est problématique.
Enfin, je suppose.
Mouais, nan, je m'en fous en fait.
Et puis ce qui me fatigue aussi c'est qu'avec elle, tout est toujours exceptionnel. Elle qui n'a pourtant de cesse de répéter qu'elle a tout vu, tout vécu, vu qu'elle, elle arrive d'une école de REP + , tu vois (tu vois ou pas? J'suis assez proche de toi là pour que tu perçoives ma grande expérience professionnelle ou pas?), le moindre petit rien insignifiant devient une affaire. Et Mylène est la reine du teasing! Ça fait déjà plusieurs fois que le matin, au moment où je la croise qui monte en classe, elle me dit :
- Il s'est passé un truc ce matin, faudra que je t'en parle!
Et en fait à la récré, elle me révèle ... rien d'intéressant, ni de drôle. La désolation.
Et on est que fin septembre. J'ai hâte de vivre encore tant d'aventures à ses côtés. Twuuuurrrt! (bruit de moi qui souffle dans une langue de belle-mère pour fêter ça!)