Evelyne
Dès le premier jour d’école, elle m’a paru louche. Quel enseignant se pointe à 9h20 le jour de la pré-rentrée ? 9h20 ce n’est pas une heure dans une école, 8h30, 8h45, 9h, oui, mais 9h20, non, sauf si t’as 3 ans et 2 mois et que tu fais une rentrée en décalé en petite section, et encore …
Donc elle s’est pointée 20 minutes après le début de notre réunion, certes elle n’avait été prévenue que la veille de son affectation (c’est beau l’Education Nationale!) mais avec mon accord la secrétaire de l’Inspectrice lui avait laissé un message téléphonique avec mes coordonnées personnelles, mais bon, ça ne lui avait pas donné envie de me contacter pour connaître les horaires de l’école apparemment, pourtant maintenant cela ne la dérange pas de m’envoyer des messages pour me demander des trucs à 20h30. Les gens changent donc.
Evelyne c’est la collègue qui a ma classe en attendant que je puisse la reprendre à mi-temps et donc la partager avec elle. Mais comment dire... c’est tellement le bazar dans cette classe, ça ne me donne pas du tout envie de partager, ça, moi. Je pense qu’elle est aussi bordélique et au clair avec les programmes de CM2 que moi je suis psycho-rigide et au fait des nouveautés de l’enseignement en Grande Section. En plus de ça, c’est la caricature de la maîtresse à l’ancienne qui fait de la gym quand toi tu vas en sport ou en EPS, et qui balance des « mes p’tits loulous, mes cocos » à tour de bras, je sais pas moi j’hésite, elle bossait dans une maison close avant ou quoi ? Et elle a une touffe dans la main, ma parole, qui n’a rien à envier à la tresse de Pocahontas. Elle dit arriver de la région parisienne mais j’ai du mal à y croire, ou alors elle était retenue dans un vieux placard d’une vieille école parisienne, un truc qui sent la Cléopâtra, la poussière de craies et les manuels moisis, un lieu où pour faire des sorties t’as pas à remplir la paperasse du BO de 1999 visiblement, parce qu’il semble qu’elle ait découvert il y a moins d’un mois que pour certaines sorties il fallait au moins un accompagnateur en plus de l’enseignant, qu’il fallait réserver un bus aussi, je ne sais pas, là-bas en région parisienne, ils doivent rouler en taxi-brousse, je suppose, hop toute la classe dans la 504 et le tour est joué.
Bref, Evelyne, j’ai fait des efforts hein, pendant 7 semaines j’ai été gentille, aimable, bienveillante (ouh punaise ça commence à sentir le pet foireux), j’ai aidé, conseillé, défendue (oui parce que les parents, les p’tits cocos qui sentent la craie et les livres d’antan et qui font le programme d’histoire de CM2 de 1985, ça leur plaît moyen d’une part, et d’autre part, les p’tits loulous boutonneux qu’ont les hormones qui les titillent, ils ont du mal à se laisser cadrer par Madame Rosa). Mais là, Evelyne, je vais avoir du mal à ne pas être désagréable.
Cindy
Dès le premier jour de classe, elle m’a paru louche. Quel enseignant se dit, tiens j’en ai rien à foutre si c’est pas mon boulot mais celui de la directrice, je vais me poster au portail et donner les plannings que je veux aux AESH au fur et à mesure où elles arrivent et tant pis si elle a déjà fait les plannings, sauf si t’as 3 ans et 2 mois et que tu joues à faire la directrice dans ta chambre, et encore …
Donc sous prétexte qu’elle est en charge de l’ULIS, qu’elle est coordinatrice, oui c’est comme ça qu’on nomme l’enseignante de l’ULIS maintenant (c’est beau l’Education Nationale!), elle a commencé l’année en m’obligeant à revoir chacune des AESH, une par une, pour m’assurer qu’elles iraient bien aider les enfants comme je l’avais prévu et pas comme ça l'arrangeait elle (c’est à dire avec elle, 13 élèves en ULIS 15 adultes pour s’en occuper, je pense que c’est son objectif, avec elle en chef d’orchestre quoi). Les gens sont toujours aussi égoïstes donc.
Cindy c’est la collègue qui a la classe ULIS mais qui ne veut pas qu’on dise que c’est une classe parce que c’est péché. Quand tu as une classe, tu es une enseignante, alors que quand tu es dans un dispositif ULIS, là tu coordonnes, tu vois, c’est pas pareil. Mais comment dire... c’est tellement de plus en plus évident que ce qu’elle veut surtout c’est ne pas avoir à s’occuper de ses élèves que ça ne me donne pas du tout envie de la laisser coordonner à tout va, ça, moi. Je pense qu’elle est aussi égocentrique et mesquine, elle n’est uniquement intéressée par le fait d’avoir le moins d’élèves possible en même temps et le plus d’AESH à la fois. En plus de ça, c’est la caricature de la maîtresse spécialisée qui ne s’en sort pas avec 2 élèves malgré les 3 adultes pour l’aider dans sa classe mais fait des commentaires aux collègues qui ont du mal à gérer leurs 27 élèves dont plusieurs relèvent de l’ ULIS, et qui balance des conseils sur l’adaptation et la bienveillance à tour de bras, je sais pas moi j’hésite, elle bossait au ministère avant ou quoi ? Et elle a une touffe dans la main, ma parole, qui n’a rien à envier à la crinière de Tina Turner. Elle dit arriver d’une autre école du département mais j’ai du mal à y croire, ou alors elle était retenue dans un vieux placard d’une école de coiffure, coincée entre les têtes à coiffer maltraitées qu’ont des peignes abandonnés dans les nœuds, un lieu où t’accompagne pas tes élèves en récréation ni au portail, un lieu où plusieurs fois par jour, t’es tranquille pénard seule dans ta classe, je ne sais pas, là-bas dans cette école d’esthétique, ils doivent se faire les ongles 4 fois par jour, je suppose, hop toute la classe chez les collègues et le tour est joué.
Bref, Cindy, j’ai fait des efforts hein, pendant 7 semaines j’ai été gentille, aimable, pas bienveillante (ben non, c’est elle la grande prêtresse de la bienveillance alors si je le suis aussi, ça s’annule, tout le monde le sait ça), j’ai écouté, concilié. Mais là, Cindy, je ne peux plus, d’ailleurs j’ai craqué, j’ai été désagréable.