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makarotte.com

Ecole, rire et râleries.

Le mouille-persil

Publié le 16 Novembre 2020 par KRo

Gisèle est ma nouvelle meilleure amie. Je l'ai vue tous les jours au début quand il fallait vérifier mes pansements et puis maintenant je la vois toujours régulièrement malgré le confinement. C'est ma potasse. La première fois qu'elle est venue chez moi, elle était trop cool Gisèle, elle marchait tout doucement un petit pas devant l'autre, tout ça pour ne pas me foutre les boules parce que moi non plus je ne pouvais pas marcher vite et moi aussi j'avais tendance à faire avec le haut de mon corps un angle de 60 degrés avec mes jambes. Et au bout d'une semaine, trop sympa Gisèle, elle me laissait gagner la course entre le portail du jardin et la porte de la maison parce qu'au bout d'une semaine moi à côté de Gisèle, j'étais Flèche des Indestructibles, ça c'est de la bonne copine!

Bon en fait Gisèle, elle ne peut pas marcher plus vite, c'est comme ça, Gisèle elle est tellement vieille qu'au début quand elle avait un peu de retard le matin, je me demandais si elle n'avait pas calanché depuis la veille! En même temps, quand j'ai cherché une infirmière dans l'annuaire, en choisissant Gisèle, je devais bien m'attendre à ne pas voir arriver un top model brésilien d'un mètre quatre-vingt en dirndl. Enfin, ça aurait pu après tout, la vie est pleine de surprises, mais bon quand même ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille.

Mais ceci dit c'est une dure à cuire Gisèle apparemment, elle est parfaite pour moi, elle fait des micros pas certes et a du mal à desserrer le loquet du portail mais elle a l'œil pour repérer les bonnes veines et elle est avenante. En vrai je n'ai jamais vu son visage puisqu'elle porte toujours un masque et j'ai juste remarqué qu'elle avait des poils sur la joue juste sur le côté de son masque mais bon, j'ai pris ça comme un signe de son côté rebelle.

Le lendemain du jour où j'ai appris que je n'allais pas retourner travailler tout de suite et que j'allais me farcir 12 cycles de chimio, elle était là, à me retirer mes agrafes. Moi j'avais le moral au fond des bas de contention et bon, même si ce n'est pas trop mon genre de m'épancher auprès d'inconnus, ma tronche était sans doute un peu lisible aussi malgré mon masque, et surtout ma voix me trahissait. Alors comme ça, elle m'a fait la conversation : " Vous savez moi je connais des gens, ils en sont à leur troisième cancer!"
Punaise, j'ai dû virer au vert moisi (" Non mais un déjà, je ne sais pas si je vais y arriver alors trois ... merde, merde, merde à la fin!"), parce qu'elle a ajouté qu'elle disait ça pour me faire savoir qu'à présent les gens vivaient très bien avec. Sympa Gisèle!
Bon, après déjà 2 mois de chimio je peux vous dire que c'est faux, on ne vit pas bien, on vit, mais mal, comme si tous les matins on se réveillait avec une gueule de bois carabinée, alors ok, on n'est pas mort mort, c'est déjà ça hein c'est certain, mais au niveau puissance vitale moi je me rapproche plus du concombre de mer qu'autre chose, c'est pas foufou non plus quoi, faut pas se mentir. Non mais Gisèle, elle est gentille, elle voulait m'encourager en fait, mais je ne suis apparemment pas une fille facile à encourager, j'suis un modèle un peu compliqué d'emploi.

On a continué à discutailler et elle m'a parlé de ses outils d'infirmière, de ses ciseaux bizarres tout ça, moi j'ai dit que c'était comme en cuisine, qu'il existait des ustensiles très spécifiques, bla bla bla, bref on a discuté le bout de gras quoi, vous savez je me fais vraiment suer toute la journée moi, j'ai besoin d'interactions sociales. Pendant ce temps là, elle, elle continuait à s'occuper de mes cicatrices et puis à un moment elle m'a dit : " C'est comme le mouille-persil, moi j'ai cassé le mien, il était très ancien, c'est ma belle-mère qui me l'avait donné, et ben je ne sais pas où je vais pouvoir en retrouver un."
Un mouille-persil? Mais qu'est-ce que c'est comme outil ça? Tiens c'est drôle de s'être mariée avec un type dont la mère était infirmière aussi. Bon mouille-persil, clairement, tout le monde voit bien ce qu'elle veut dire, mais par contre, dans quel cas doit-on avoir besoin de se servir d'un truc pareil? C'est drôle qu'elle l'appelle comme ça cet outil, je me demande comment ça s'appelle en vrai. M'enfin mouille-persil, je valide complètement ce nom en tous cas, délurée la Gisèle.
Et puis soudainement j'ai compris qu'en fait elle était revenue d'un coup sur la partie ustensiles de cuisine de notre bavardage, le mouille-persil a perdu de son mystère mais moi ça m'a bien fait marrer.

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Chauffeur si t’es champion

Publié le 3 Novembre 2020 par KRo

Punaise, déjà j’avais une dent contre les chauffeurs de bus... mais j’ai réalisé que les taxis c’est pareil, butors, ganaches, gougnafiers !


Quand tu es prof des écoles tu t’es forcément déjà retrouvé à attendre le bus parce que le gars il n’arrive pas à trouver ton adresse, donc t’es là à poireauter avec des gosses survoltés parce qu’ils vont en sortie alors que le mec ça fait quelque chose comme 2 mois que le devis est signé avec sa boîte, ils auraient dû avoir le temps de le brieffer un minimum. Et une fois dans le bus, t’es non seulement obligé de t’assurer qu’il connaît ta destination mais aussi du fait qu’il sait y aller. Parce que ça s’est vu ça de partir complètement dans l’autre sens, toi tu te dis « Bon, il connaît peut-être un chemin que seuls les bus peuvent prendre. » ou bien «  Il doit avoir connaissance de bouchons sur la route habituelle. » mais naooooon, le gars roule jusqu’au moment où toi tu réalises qu’il fait n’importe quoi, que t’es en train de visiter toutes les petites routes des alentours et que tu n’as plus qu’à lui suggérer, sans le froisser, de faire office de GPS. 


Bon et bien le taxi c’est pareil, le mec ne trouve pas ton adresse alors que ta rue t’es sûre qu’elle est dans tous les GPS même dans ceux des bagnoles qui n’ont pas eu de mise à jour depuis 10 ans et que les précédents chauffeurs de la même compagnie n’ont jamais eu de problème. Il te fait épeler 3 fois le nom de la rue qui fait 7 lettres, faudrait quand même pas pousser. Ensuite il ne sait pas comment aller où tu vas, alors que bon, c’est un peu son boulot, donc allez, c’est toi qui doit le guider et en prime, celui de ce matin roulait de façon hyper brusque.... « Mais pourquoi est-il si méchant? Parce queeeeeeee! », je me serai crue dans une pub pour Orangina, « C’est quoi le texte? Ah! ?? Aaaaaaaaaaah », franchement si par un hasard étonnant ou le truchement du suçotement intensif de pastilles à la menthe, j’avais démarré ma journée sans trop avoir la gerbe alors là c’est bon, il m’a bien décollé la pulpe du fond, j’suis arrivée pour ma chimio dans l’état le plus adéquat. Bon y’a deux semaines le gars avait, très clairement, fumé dans sa caisse avant que j’y entre, du coup j’étais à deux doigts de passer la tête à la fenêtre, langue pendante, comme un clébard. Bref... les taxis c’est pas mieux.


En repartant, j'ai mis ma banane avec ma chimio portative, mon bob pour le style, mes gants parce que même à 14 degrés dehors au bout de 5 minutes j'ai les doigts qui me brûlent et me piquent tellement j'ai froid et j'ai attendu mon taxi. 45 minutes! Le mec faisait quoi exactement, il passait son permis?

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CLM

Publié le 12 Octobre 2020 par KRo

Je ne bosse plus et j'arrive encore à être énervée par cette administration, c'est fou ça!

Je ne sais plus bien comment ça fonctionne quand on bosse dans une entreprise surtout que même à l'époque où je bossais dans le privé je n'ai jamais vraiment été malade, j'ai été enceinte mais ce n'est pas une maladie, donc bref je ne sais plus bien qui paye quoi mais ce qui est sûr c'est qu'au niveau de l'Education Nationale c'est encore une fois bien des enfoirés!

Mon dernier congé maladie remonte à 2015, une journée, punaise, depuis le début de ma carrière d'enseignante j'ai été absente 4 jours pour maladie et 5 jours pour d'autres raisons, genre un enfant malade à garder. 9 jours d'absence en 15 ans, on ne peut pas dire que j'abuse bon sang!

Alors là, je me retrouve arrêtée 3 semaines mi août, j'apprends mi septembre que ce ne sera pas pour partir en vacances sur une île paradisiaque mais bien pour une bonne galère de 6 mois et le médecin me donne un congé maladie de 3 mois supplémentaires renouvelable ... ok ... cela m'emmène en décembre puis en mars en gros.

MAIS, et là est toute la subtilité de l'enculerie, au bout de 3 mois de congé maladie, donc en novembre, l'Etat ne me paiera plus qu'à moitié et puis au bout de 6 mois, plus du tout. Donc je résume, tu es dans la merde, fragilisée par une maladie pourrie qui veut te tuer, et ton employeur, l'Etat en plus, ce n'est pas n'importe qui, te dit d'aller bien te faire foutre. Il n'y a pas d'incompatibilité entre subir un traitement chimiothérapique et ne plus avoir de revenus. Ben oui, tu ne bosses plus, tu veux pas qu'on te paye quand même! Logique implacable.

CEPENDANT, c'est comme au Monopoly, si tu as pris ta carte chance, tu as une collègue qui au détour d'une conversation te dit qu'il y a un moyen d'être payée quand même, grâce à notre bonne vieille Sécu. Aaaaahhh bon, ils ne sont pas si chiens que ça alors? Aucun courrier officiel quand ils ont reçu ton formulaire de congé maladie qui te faisait dépasser les 3 mois d'absence mais quand même, si tu te débrouilles par toi-même pour trouver les bonnes informations ça et là entre les collègues et internet, tu peux peut-être prétendre à quelque chose. 

Il faut faire une demande de CLM, congé longue maladie, accompagnée d'un courrier du médecin et de documents médicaux, l'adresser à la bonne personne au rectorat, sachant que ça peut changer chaque année voire même en cours d'année. Ensuite, un médecin du rectorat te convoque, pour vérifier que tu ne simules pas sans doute, des oncologues qui font des courriers de complaisance pour que leurs patients soient pénards pendant plusieurs mois sans bosser alors qu'ils ne sont même pas malades, ça doit courir les rues je suppose. Et ensuite, ton dossier passe en commission. Sans déconner, des gens sont payés pour se réunir pour regarder ton dossier et celui d'autres tire-au-flanc qui font semblant d'avoir été opérés du cœur ou d'avoir une sclérose en plaque hein, cela me paraît évident, et décider si oui ou non tu mérites qu'on te donne quand même l'équivalent d'un salaire pendant que t'essayes de ne pas crever. 

Et c'est là que ça devient complètement ubuesque. Il faut compter au moins 3 mois de délai entre ta demande et son aboutissement!!! Donc quoi qu'il arrive, à un moment tu vas forcément ne plus être payé normalement! Certes, une fois que la décision sera entérinée, il y aura une régularisation sur ton salaire, donc quelques mois plus tard tu recevras tout ce qui ne t'a pas été versé, mais entre temps, c'est quoi l'idée? Tu bouffes tes ongles et tu fais les poubelles? Tu te prostitues pour payer ton loyer? 

Et attention, ton CLM ne peut être que de 3 ou 6 mois initialement, si jamais hélas il doit être renouvelé ou prolongé, il faut refaire ces démarches et donc s'y prendre 3 mois à l'avance, ce qui signifie qu'avant même d'avoir l'accord pour ton premier congé, il faut que tu fasses une demande de renouvellement, avec les mêmes documents donc parce que ceux qui justifieront que dans 3 mois tu ne pourras pas reprendre ils n'existent pas, ils n'existeront que dans 3 mois!  Vous commencez à comprendre pourquoi ça me rend dingue? Je pense que c'est ça qui fait tomber les cheveux moi, pas la chimio!

Et alors, cerise sur le sundae, actuellement dans mon département, ils ont pris du retard et ne sont en train de traiter que les dossiers déposés en mai. 5 mois de retard!!! Pour autant, l'Etat ne va pas payer ses agents quitte à leur ponctionner plus tard le trop perçu, nan, nan, nan, ils ne seront plus payés et puis c'est tout et quand dans quelques mois, la situation sera régulée, là ils recevront plusieurs mois de salaire d'un coup, de quoi se plaindraient-ils? Tout cet argent ces salauds de pauvres, ils ne sauront qu'en faire, ce sera comme avoir gagné au Loto... en gagnant son propre argent, bon ... c'est un concept, je crois qu'au départ ils voulaient accompagner ce paiement d'une distribution de brioche mais finalement ils se sont dit que ce n'était pas une démarche très républicaine.

Heureusement donc que j'ai un mari qui gagne bien sa vie parce que sinon cela signifie qu'il faut que je sorte mes bas résille et mon poum poum short pour rejoindre mes copines de galère sur le trottoir ... ou bien que je vende un rein, tiens c'est une idée ça, j'suis plus à une balafre sur mon corps, on dirait un plan de la bataille de la Marne, manque plus que les flèches pour signifier la retraite des troupes de Von Hausen.

Allez hop, pour la peine, blog apprenant pour faire plaisir à JeanMimi, une petite carte de la retraite de la IVe armée allemande, du 10 au 13 septembre 1914, vous mourrez moins bêtes (mais vous mourrez quand même!) : 

 

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Les morts-vivants

Publié le 7 Octobre 2020 par KRo

Hospitalisation, jour 1 :
J’arrive dans une chambre des années 70 avec couverture marron immonde et robinets qui gouttent bruyamment dans une salle de bain dans le grand style hôtel d'autoroute, les cliniques c'est plus ce que c'était.
Pas de PQ dans les WC, mais moi comme cocktail de bienvenue je dois pisser dans un bocal et m'infliger un lavement ("ALOHA"), alors on fait comment? On en demande à plusieurs personnes, et on attend 2h.  De toutes façons l’infirmière qui m'a dit qu'elle passerait rechercher mon bocal n'est jamais revenue, c’est celle de nuit, 3h30 plus tard, qui le récupère, perplexe, mais moi je suis déjà saoulée alors je m'en fous. 
Pas d’eau avec mon repas, il a fallu aussi quémander.
Un des 2 néons blafards clignote, quémander encore, à cette heure-ci? Il a fallu monter sur un fauteuil pour le débrancher histoire de pas passer la soirée en rave party.
A 23h30, je suis vidée, lavée, dans mon lit, j'essaye de trouver le sommeil, l’infirmière surgit pour me demander si je suis bien totalement épilée. Euh non ... personne ne m’a parlé de ça que ce soit en rendez-vous avec le médecin ou depuis que je suis arrivée à 16h30. Qu'à cela ne tienne, elle me fournit une tondeuse et m’oblige à l’utiliser sur le champ parce que le chirurgien est apparemment très à cheval sur une pilosité pré-pubère, le pervers, et en plus elle veut venir vérifier après, au secours! Même pour ma césarienne j’avais pas dû être autant dépoilée, non mais où j’ai mis les pieds moi? Dans un porno des années 70?
En plus l’aide-soignant est teubé, d’abord il gueule dans le couloir tellement fort qu’à chaque seconde où j'étais aux prises avec mon lavement j’ai eu peur que dans sa tournée, il en soit arrivé à ma porte qui évidemment n’a pas de verrou et la salle de bain non plus. Manque plus que les caméras et c’est le Loft. Et ensuite, quand l'infirmière m'a intimé de me raser le pubis, devant mon étonnement ("Si je l'avais su avant j'aurais été chez l'esthéticienne!") il a d’abord cru que j'étais esthéticienne (bon le gars parle fort mais n'écoute rien) , ensuite il m'a dit qu’il était trop tard pour appeler une esthéticienne (bon le gars parle trop fort et est demeuré) et m'a fait des blagues nazes sur l’esthéticienne de Christina Cordula « Ma chérie ton épilation c’est magnifaïque » (bon, sortez-moi ce gars ou je me jette dessus avec la tondeuse électrique qui chauffe et crame la peau, tu vas voir ton crâne va ressembler à mon pubis!).

Jour 2: 
On m'a réveillée à 5h30, merveilleuse nuit reposante donc avant mon opération, je suis prête à 6h15 et je poireaute jusqu’à 7h55, la télé ne marche pas, elle freeze, je n'ai pas la tête à lire, j'attends. Mais je n'ai pas été prévenue la veille que le fait de me réveiller après l'opération en soins continus impliquait que mon palace des années 70 allait être réattribué en mon absence alors j'ai pris grand soin de m’installer de façon à pouvoir accéder facilement à mes affaires à mon retour quand je serai impotente. J'ai bien défait ma valise et mon sac, tout rangé dans les placards et la table de nuit en anticipant mes besoins au retour.  Ce sont les brancardiers qui viennent me chercher pour m'emmener en salle d'opération qui me mettent au courant, bref, trop tard, ce sera une infirmière ou un aide soignant qui remettra toutes mes affaires en vrac dans ma valise et mon sac. Super, j’adore qu’on touche à mes culottes. Je râle, je dis en passant à l’infirmière qu’elle aurait dû me dire de ne pas défaire mes valises, elle me répond qu’elle n’était pas au courant que j'allais passer par les soins continus. Sans déc! Je suis en train de regretter de ne pas avoir écrit en gros sur mon ventre "pas de ce côté" ou bien "Merci de ne pas m'amputer", j'espère que le chirurgien, lui, n'est pas aux fraises.

Je ne l'ai pas vu, je dormais déjà.

Je me réveille dans un box aux soins continus, je comate, je suis shootée. C'est vitré de partout, il y a des stores en lamelles par dessus qui m'empêchent de voir mes voisins mais pas d'entendre les infirmières leur crier de se réveiller, de leur serrer la main, de pas mourir tout de suite quoi, ça bip tout le temps, tout le temps et de tous les côtés. C'est effrayant. Le store en lamelles qui donne sur le devant, vers la salle de surveillance et le couloir est cassé et stoppé au milieu de la vitre donc j’ai le droit à la lumière plein phare toute la nuit, de toutes les façons, ça s'allume aussi à droite et à gauche de façon régulière quand c'est pas chez moi pour savoir "Comment ça va?" et observer, je suppose, mes différents moniteurs, puisque je suis branchée également, ou changer mes perf. C'est une drôle de question quand même, comment ça pourrait aller? Ah oui, ça pourrait aller pire, comme la dame d'à côté au sujet de laquelle les soignants discutent acharnement et de fin de vie avec la famille devant ma porte OUVERTE! Ça aussi, c'est un problème! POURQUOI certains soignants laissent-ils systématiquement la porte grande ouverte sachant que toi tu es harnachée dans ton lit et que tu ne pourras pas la fermer toute seule et que pour autant t'aimerais avoir un tout petit peu d'intimité dans l'espace ridicule laissé par ton rideau cassé, ta sonde urinaire et autres branchements divers.

Jour 3 :
Ce matin toilette de chat faite avec un gant devant le lavabo mais surtout en vitrine puisque le lavabo est devant cette fenêtre au store cassé. Trop la classe à Amsterdam, je sens que Dodo la Saumure ne va pas tarder à passer la porte. Ce qui est bien pratique pour lui mais pas pour moi, c’est cette saleté de porte quasiment tout le temps laissée ouverte parce qu’une des 2 infirmières visiblement adore ça les portes ouvertes. Je n'ai plus la sonde urinaire mais me lever est tout de même une souffrance donc je ne vais pas le faire 10 fois dans la journée juste pour fermer la porte. Donc je supporte les bips et les conversations de couloir et je me démène pour ne pas trop montrer mon cul.
La télé ne fonctionne pas du tout, un technicien de maintenance était censé passer, que dalle, moi je ne suis pas encore au top pour lire longtemps, bref... j'attends que le temps passe.
Je n'ai toujours pas le droit de manger mais j’ai enfin le droit de boire et même l’obligation de boire beaucoup mais bon, j'ai pas de bouteille ...

J'ai fini par en avoir une, et entre ça et les perfusions sont venues les envies d'aller au petit coin. Les infirmières n'étaient pas d'accord, il a fallu que je pisse dans un sac sur un espèce de siège à trou comme avait ma grand-mère. Les infirmières de jour ont été sympas, elles ont essayé de coller du papier sur la partie basse de ma vitre au store cassé, bon ... c'est tombé plusieurs fois et puis l'équipe de nuit n'a pas eu envie de le recoller.

La nuit, parlons-en, vessie à bloc toutes les 2h, un poème. La première fois, je sonne pour qu'on vienne me libérer de mes différentes entraves. J'attends, j'attends, personne ne vient, 10 minutes passent, je me débranche moi-même de ce que je peux, j'entends les bips s'affoler, j'attends, j'attends, je suis assise au bord de mon lit, la chaise percée est en face de moi mais elle n'est pas équipée de sac, j'attends, j'attends, je n'en peux plus, je vais me faire dessus, je décide de trouver les toilettes. Sauf que j'ai été amenée ici endormie, je sors de mon box et je ne sais pas vers où aller. Je marche en crabe, pliée à 45 degrés, je traîne ma potence à perfusions, on dirait Quasimodo. J'ère pendant plusieurs minutes, je finis par trouver les WC au bout d'un couloir, la porte est une de ses portes lourdes qui se rabattent d'un seul coup, j'ai pas la place pour y faire entrer ma potence, je me débrouille. Je ressors, je me lave les mains, je suis au bout du rouleau, je retourne vers mon box et enfin je croise une infirmière qui commence à m'engueuler parce que j'aurais dû l'attendre et ne pas me débrancher seule. Je me doute qu'elle était occupée avec tous ces gens qui ont l'air plus morts que vivants mais j'allais pas me pisser dessus quand même, MERDE! 
Pour le restant de la nuit, l'autre infirmière est venue assez rapidement quand j'ai sonné et moi je me suis assise sur ma dignité puisqu'à chaque fois que j'ai baissé ma culotte c'était exactement au niveau de la vitre sans rideau : tu l'as vu? Quoi? mon cul, ma tête, mon cul.

Le jour 4 est le jour où je suis remontée vers les chambres, l'infirmière qui ne sait pas pourquoi tu es là et l'aide soignant qui gueule, mais il était passé de jour. L'équipe de nuit était normale.

Aux premières lueurs du 5ème jour, à l'aube, j'ai regardé à l'Est et le chirurgien qui est venu m'a autorisée à enfin prendre un repas, autant vous dire que j'avais hâte parce que les perfusions c'est bien sympa mais votre estomac lui, il en a rien à foutre, il est tout vide et il râle, la rinçure de soupe, il sait bien lui que ce n'est pas de la vraie nourriture. A midi et demi, l'infirmière est entrée dans ma chambre pour vérifier ma tension, ma fièvre et tout le toutim, elle a vu que je n'avais pas de plateau, moi j'attendais patiemment mais en fait on m'avait oubliée. Naaaaaannnn! Siiiiiiii! Mais qu'à cela ne tienne, elle est partie me chercher un plateau, c'était celui prévu pour un autre patient, il y avait son numéro de chambre dessus, bon je ne sais pas, il était peut-être mort, en tous les cas il n'avait visiblement plus besoin de manger. Mais ce qui est sûr c'est que dans une unité où on traite des patients avec des problèmes intestinaux, l'adaptation des menus c'est pas juste pour faire joli, normalement il y a une logique, moi je le savais bien hein que tous ces légumes là, c'était pas adapté à mon cas, mais j'avais vraiment faim, j'allais quand même pas crever la bouche ouverte, j'avais rien pris avec moi dans mes bagages, "pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau", alors même s'il n'y avait pas de sel, j'ai tout mangé. Et puis quelques temps plus tard, j'ai eu la première diarrhée de ma nouvelle vie! Alors on dit merci qui? Merci la vie!

Entre temps, j'avais été marcher dans le couloir, histoire de montrer que je faisais définitivement partie du monde des vivants et qu'il fallait me laisser sortir de là, et bien franchement, ce n'était pas évident au premier coup d'œil.  D'abord parce que je marchais comme une petite vieille, mais surtout partout où mon regard se posait, si j'avais le malheur de tourner ma tête vers la droite ou la gauche, à cause de ces saloperies de portes restées grandes ouvertes à cet étage aussi, je tombais sur de vieilles personnes auxquelles j'aurais pu piquer le plateau repas sans qu'elles ne s'en aperçoivent et ce même en faisant mes tous petits pas. J'ai même vu un monsieur gisant sur son lit avec une couche. Horreur malheur. Franchement, je me suis imaginée à sa place, entendant que ma porte est ouverte et que tous ceux qui passent ne voient pas ma tête certes, cachée par l'angle du mur, mais voient tout le restant de mon corps comme ça ... ayez pitié!

Le 6ème jour, j'ai eu le droit de retourner du côté de la vie.

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