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L'Administration de l'Education Nationale est une très grosse dame. Une très grosse dame pour laquelle il est bien difficile de mouvoir tout son corps en même temps. Elle est capable de faire courir ses doigts sur un piano mais la faire bouger, la faire se déplacer, demande toute une coordination, implique de mettre en route tout plein de monde, une armée de petits nerfs, de petits globules ... et des impulsions électriques dans tous les sens ... mais quand tous les curseurs sont bien calés, bon sang la grosse dame elle se déplace comme la Joanna de la chanson de Gainsbourg qui était plus grosse qu'un éléphant mais qui savait danser léger, léger.

Enfin bref tout ça pour dire que lorsque Mme L'Administration s'assoit sur ton dos pour que tu la portes, c'est lourd, lourd et quand elle s'assoit sur ta tête, elle peut t'étouffer, t'écrabouiller ... mais quand elle vient se poser au bout du banc sur lequel tu te tiens, c'est très clair, c'est pour te dire : "Tu vois, tu ne veux faire que ce que tu as envie de faire, comme si ton boulot n'impliquait aucune obligation, aucun devoir juste parce que comme tu es tout seul dans ta classe tu ne devrais rendre de compte à personne, et bien non regarde, si je m'assieds à l'autre bout du banc ... tu décolles!". Et aujourd'hui elle s'est assise au bout du banc sur lequel s'était perchée mon ancienne collègue Jo-la-barjot!

Jo-la-barjot n'est pas la cousine de Frigide, non non, c'est la nana complètement dingue avec qui j'ai été obligée de partager ma classe pendant 6 mois et j'ai vraiment cru que j'allais y laisser ma peau ou en tous les cas ma santé.

Bon et bien elle était partie sans remplir les bulletins, ben oui pourquoi s'emmerder. Or la collègue qui a pris sa place ne souhaitait pas, à juste titre, se taper le boulot, donc pour clore le chapitre sur la barjot, il a encore fallu que j'en parle à l'inspecteur. Et celui-ci, c'était en mars, lui a fait un courrier mais il m'avait dit de ne pas trop y croire. Moi évidemment, cela m'avait mise dans tous mes états, me disant :"A quoi bon faire de son mieux, si quand on fait vraiment n'importe quoi, personne ne semble pouvoir rien exiger de nous!". Et il est vrai que dans cette administration la hiérarchie a tendance à vraiment presser ceux qui tentent de faire les choses bien et à foutre royalement la paix aux brebis galeuses dont on ne sait pas trop quoi faire ou qu'on se refile comme des bâtons merdeux...

Mais c'était sans compter sur la force de conviction que représente le poids de la grosse dame! OUI OUI OUI, ce matin Jo est revenue pour compléter les bulletins avant la fin de l'année. Bon elle n'était pas tout sourire, mais bon elle ne l'était jamais avant, et mon collègue qui lui a ouvert la porte a passé son sac au détecteur de métaux car il craignait qu'elle ne porte une bombe (ce dont elle nous avait menacé en janvier) mais bon, elle est venue!

Je l'ai même laissé finir sa besogne seule car elle n'avait pas terminé au moment où je suis partie ... on verra bien demain en revenant si elle a fini le boulot tranquillement ou bien si finalement, au bout d'un moment elle a décidé de repeindre la salle des maîtres avec ses excréments!

A chaque jour son aventure!

Ce soir, au cours d'une réunion avec Brian (toujours pas son vrai nom rapport à la popularité future de mon blog) et son père ainsi que le médecin scolaire et la psy scolaire, j'ai bien cru que j'allais verser ma petite larme!

Pour situer le dit Brian, on pourrait penser sans trop se tromper qu'il y a plusieurs personnes qui vivent à l'intérieur. C'est un élève qui a des capacités intellectuelles mais qui est vraiment empêché de travailler par des forces intérieures qui l'embrouillent. La situation s'est dégradée année après année malgré toutes nos tentatives de faire comprendre aux parents qu'il lui faut une aide sans doute psy. Le père ne veut rien entendre, la mère suit. Il considère que son fils doit faire des efforts pour se concentrer.

Sauf qu'on n'en est plus du tout là, et ce depuis déjà longtemps!

Ce soir, c'est la dernière tentative avant la 6ème. Que faire quand des parents aimants ne veulent pas que leur enfant soit suivi ou traité? Alors on jalonne: on explique, on propose, on ré-explique, on insiste ... mais les parents restent les parents et comme ils sont aimants, l'idée ce n'est pas de briser des familles ... enfin bref, c'est bien compliqué!

Donc, pour vous le situer, actuellement, en classe, Brian passe à peu près autant de temps sur sa chaise que sous sa chaise ou sous celles des autres, chaque jour il explose sa cartouche d'encre ou bien son stylo bille et ses mains finissent maculées de bleu ... chaque jour!

Chaque jour il mange sa règle, la grignote, la cisèle de ses dents et déchiquète sa gomme ou, à défaut, des bouts de papiers ... chaque jour!

Tout cela doit d'ailleurs coûter une fortune en fournitures à ses parents...

Son casier ressemble à une poubelle pour le recyclage, les leçons et autres feuilles diverses y sont fourrées dedans par ses soins et environ une fois par semaine tout tombe par terre ...

Il ne fait quasiment plus les exercices depuis déjà plusieurs mois ... et passe beaucoup de temps à dessiner des scènes de combats, d'explosions, de trucs torturés ...

Bref, la sixième sans l'aide extérieure refusée par son père va être un carnage!

Et bien ce soir, lors de cette réunion, alors qu'on interrogeait Brian sur ses centres d'intérêt, son père a dit que l'année prochaine il chercherait à l'inscrire à des cours de musique et aussi de danse! Alors j'ai demandé à Brian si c'était moi qui lui avait donné envie de danser (la danse c'est mon dada, je fais des projets qui durent sur toute l'année) et il m'a dit que oui, du bout des lèvres de sa tête de Birdy.

C'EST PAS BEAU CA! J'étais dingue (intérieurement), dire qu'au début des séances de danse, en début d'année, il a passé de nombreuses heures assis à regarder les autres parce que j'avais passé un contrat avec lui : il ne devait venir que s'il se sentait la capacité et l'envie de travailler avec le reste de la classe (utiliser son corps pour un gamin comme ça c'est plus que compliqué). J'ai vraiment cru que je n'allais jamais y arriver avec lui et que sans doute je devrais faire sans lors des représentations. ET BIEN NON! Non seulement il a fini par se joindre à la classe mais en plus je lui ai donné le goût de danser!

AMAZING GRACE!

Bon je vous l'accorde, ça commençait vraiment mal : début d'aprem je dois remonter les bretelles à Djessy (ce n'est pas son vrai nom au cas où un jour mon blog serait lu par des milliers de personnes, mais bon ça vaut le vrai). Elle a très mal parlé à 2 enseignants dans la matinée, lors d'une sortie, on ne peut pas laisser passer ça!

Le ton monte très très vite, la discussion qui avait débuté dans le couloir prend une mauvaise tournure, au bout de 3 min, Djessy gueule et s'arrache les joues (oui c'est étrange) en vociférant, je vois le moment où elle va se rouler par terre, or Djessy qui mesure environ 1,60 m doit peser 90 kg au bas mot donc je n'ai pas envie de voir ça.

Je lui demande de me suivre dans mon bureau.

Et là, la très peu classe Djessy m'a touchée. Elle pleurait en hurlant qu'elle ne savait pas parler autrement, qu'elle n'y arriverait jamais, elle insultait la terre entière, elle disait que tout le monde en avait toujours après elle parce qu'elle était manouche et aussi parce qu'elle était grosse ... elle voulait tellement qu'on la considère comme une gentille fille malgré tous les mots grossiers employés en permanence et toutes les menaces verbales et physiques qu'elle et sa petite bande font peser quotidiennement sur de nombreux enfants dans la cour, qu'elle m'a touchée. Elle avait pété les plombs et était en train de craquer comme une petite gamine, alors j'en ai profité pour lui parler. Au final elle a bien voulu présenter ses excuses aux 2 enseignants et elle est retournée en classe. Vingt minutes plus tôt je ne l'aurais pas parié!

C'est une petite victoire mais c'est comme le piano debout pour certains, pour moi ça veut dire beaucoup!

Ce matin nous avons pu constater que l'école avait été visitée ce weekend. Au début on regarde un peu partout, on essaye de connaître l'étendue des dégâts, et puis finalement ... pas grand chose ... bien plus de peur que de mal heureusement!

Bref on peut rire un peu : visiblement les bandits doivent être des anciens élèves, des ados qui ont bu les 3 bouteilles de cidre qui traînaient là, ils s' en sont servi pour asperger la salle des maîtres, ensuite ils ont balancé partout du sucre histoire que tout colle bien bien bien, ils ont salopé 2 ou 3 trucs mais surtout, ils ont bouffé toutes nos réserves de gâteaux et chocolat, et pour ça ils mériteraient la cour d'assises d'ailleurs!

Bon mais là où nos coeurs d'enseignants ont fondu c'est que ces malfrats ont eu la délicatesse de mettre leurs gobelets à la poubelle ainsi que les paquets de gâteaux vides ... c'est pas mignon ça? C'est bien la preuve qu'on n'a pas tout loupé dans leur éducation! Tant de respect ça nous a touché!