Une semaine de classe et déjà de très nombreuses annonces de changements de protocole sanitaire dans les journaux ou à la radio, c'est à tel point que j'en arrive à craindre d'allumer mon poste dans la salle de bain le matin. J'ai des collègues qui viennent me voir en me montrant un article de presse sur leur téléphone pour que je les éclaire sur ce qu'on doit faire ou pas. Euh ... nan. On a eu aussi 2 changements des documents officiels en 5 jours et on n'est pas à l'abri que ça rechange encore d'ici ce soir. Notre ministre adore annoncer des modifications les dimanches soirs en claironnant qu'elles seront mises en place dès le lendemain, pour que dans la nuit tout le personnel de l'Education Nationale s'agite, il nous prend pour les lutins du Père Noël le gars.
Vendredi midi, j'ai eu une réunion de directeurs convoqués en urgence en visio par l'inspectrice, oh punaise, je me suis revue à la grande époque de la sortie du premier confinement, elle ne sait pas de quoi elle parle parce qu'elle n'a pas eu le temps de lire le dernier protocole officiel sorti la veille au soir (protocole que toi t'as parcouru vite fait pour préparer la réunion parce que t'as pas eu le temps non plus de le lire en détail mais bon tu prépares tes réunions, toi). Mais pourquoi diable nous convoque-t-elle alors? On ne sait pas. Parce qu'elle doit cocher la case sur sa liste de choses à faire sans doute. Non parce que sinon, elle n'était pas capable de répondre à nos questions, questions portant sur la mise en place sur le terrain de mesures réfléchies (???) en haut lieu dans des endroits où il n'y a pas l'ombre d'un élève de moins de 12 ans, pas même peut-être celle d'un parent d'enfant de moins de 12 ans inscrit à l'école publique. Par contre on a eu le droit à elle oubliant systématiquement de rallumer son micro et à son adjointe, micro-ouvert dans le bureau d'à côté lui criant "ON NE T'ENTEND PAS!", à CHAQUE fois, c'est pas usant ça? Et puis on a eu droit aussi aux réponses farfelues qui se contredisent entre elles, le grand cirque, les clowns en moins. En fait comme la situation sanitaire se corse mais que l'école doit rester ouverte, on nous demande tout et son contraire : accueillir les élèves mais appeler les familles quand il y a un cas de Covid, c'est à dire souvent, et ça prend du temps, de téléphoner et d'attendre les familles qui défilent et sonnent au portail pour qu'on aille leur ouvrir puis d'attendre que les gamins qui ont un test négatif reviennent et vérifier les documents en question, on fait classe quand alors? Ah mais ça madame, il faut maintenir les apprentissages, tu te débrouilles. Accueillir les élèves dont les parents voire même les frères et sœurs ont le Covid, quitte à devoir envoyer la classe entière se faire tester 3 fois quand au cinquième jour le gosse a lui aussi déclaré la maladie, sans compter qu'après c'est l'enchaînement parce qu'il a bien contaminé ses copains pendant ce temps là; Faire des réunions d'équipes éducatives ou réunions d'équipes de suivi, mais sans répartir les élèves des classes pendant que leur enseignant est en réunion comme on le fait normalement, puisque là, pas de brassage possible, euh ... mais comment fait-on? Accueillir les enfants de soignants et assimilés quand la classe ferme parce que c'est l'enseignant qui est malade et qu'il n'y a pas assez de remplaçants, mais il faut les mettre au fond (comme si les classes étaient assez grandes pour avoir un fond, loin des autres, vu le nombre d'élèves qu'on a), dans un courant d'air (t'as pas le Covid mais tu vas choper la crève) puisqu'on n'a pas le droit de les mélanger avec les autres et qu'on ne peut pas se dédoubler, ils nous prennent pour des Wattoo wattoo ou quoi?
Et puis les enseignants n'ont plus le droit d'être absents. C'est à dire que si ton gamin est malade, s'il a la chiasse sévère et qu'il aurait bien besoin que tu le ramènes à la maison, tu n'es plus autorisé à le faire. Et si toi tu es malade, même si tu as des symptômes forts, l'administration exige de toi que tu bosses à distance, pardon?
De toutes façons le protocole est clair, ils ont même réussi à écrire dedans : "Les moments de convivialité entre élèves et personnels ou entre personnels sont prohibés." Ils auraient écrit "On veut vous faire chier jusqu'à ce que mort s'en suive." que cela n'aurait pas été plus parlant. Ils ne pouvaient pas écrire quelque chose comme "Les moments de types goûters d'anniversaire ou partage de la galette sont prohibés entre élèves ou entre personnels.", on aurait compris. Non, ils veulent qu'on cesse les moments de convivialité. C'est clair non?! Ben moi je crois que ça ça veut dire qu'il faut arrêter de faire classe hein, parce que normalement être en classe c'est beaucoup de moment de convivialité tout de même, sinon il faut changer de métier. Il faut arrêter les réunions avec l'équipe aussi parce qu'on y rit trop souvent. Faut toujours que quelqu'un ait la désagréable attitude de faire une petite blague, de dire un bon mot, et hop on verse dans la convivialité, et voilà, raté. Non mais "les moments de convivialité sont prohibés", fallait le penser ça quand même. Le mec qui a rédigé le truc, c'est le genre de gars qui rigole quand il se brûle quoi. Effrayant!
On n'avait pas assez de remplaçants avant qu'il y ait le Covid, et les directeurs avaient déjà trop de tâches à réaliser par rapport à leur temps de décharge (temps dédié à la direction, sans être avec sa classe), donc je ne vois pas comment quelqu'un quelque part peut imaginer que dans les conditions actuelles ça peut se passer bien, voire même que ça puisse se passer tout court.
C'est comme le problème de l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Officiellement, le ministère annonce qu'on accueille les élèves, qu'on leur fournit les compensations notifiées par la MDPH (Maison des personnes handicapées) dont les aides humaines, les AESH (les personnes qui viennent en classe aider un ou plusieurs élèves handicapés à pouvoir suivre au mieux une scolarité classique). Il est même limite véhément, accusateur et culpabilisateur comme si les personnels de l'Education Nationale ne voulaient pas trop avoir à faire aux handicapés. Mais dans la réalité, même quand on arrive à sélectionner des personnes souhaitant exercer la profession d'AESH malgré les conditions salariales et de formation pourries, les budgets ne sont pas débloqués. Et moi je me retrouve avec 20 élèves sans personne. Donc je demande aux AESH qui sont là pour d'autres gamins qui en ont besoin de les laisser et de partager leur temps, et elles vont un peu ici, un peu là, pour que les 20 gosses soient un peu aidés. Elles aussi doivent se démultiplier comme des Wattoo wattoo On en est au ticket de rationnement de l'aide scolaire aux handicapés quoi. Fallait l'inventer ça aussi.
Allez, bonne année 2022 à tous mais n'allez pas vous mettre trop en joie car rappelez-vous bien que toute convivialité est strictement prohibée.
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