Hospitalisation, jour 1 :
J’arrive dans une chambre des années 70 avec couverture marron immonde et robinets qui gouttent bruyamment dans une salle de bain dans le grand style hôtel d'autoroute, les cliniques c'est plus ce que c'était.
Pas de PQ dans les WC, mais moi comme cocktail de bienvenue je dois pisser dans un bocal et m'infliger un lavement ("ALOHA"), alors on fait comment? On en demande à plusieurs personnes, et on attend 2h. De toutes façons l’infirmière qui m'a dit qu'elle passerait rechercher mon bocal n'est jamais revenue, c’est celle de nuit, 3h30 plus tard, qui le récupère, perplexe, mais moi je suis déjà saoulée alors je m'en fous.
Pas d’eau avec mon repas, il a fallu aussi quémander.
Un des 2 néons blafards clignote, quémander encore, à cette heure-ci? Il a fallu monter sur un fauteuil pour le débrancher histoire de pas passer la soirée en rave party.
A 23h30, je suis vidée, lavée, dans mon lit, j'essaye de trouver le sommeil, l’infirmière surgit pour me demander si je suis bien totalement épilée. Euh non ... personne ne m’a parlé de ça que ce soit en rendez-vous avec le médecin ou depuis que je suis arrivée à 16h30. Qu'à cela ne tienne, elle me fournit une tondeuse et m’oblige à l’utiliser sur le champ parce que le chirurgien est apparemment très à cheval sur une pilosité pré-pubère, le pervers, et en plus elle veut venir vérifier après, au secours! Même pour ma césarienne j’avais pas dû être autant dépoilée, non mais où j’ai mis les pieds moi? Dans un porno des années 70?
En plus l’aide-soignant est teubé, d’abord il gueule dans le couloir tellement fort qu’à chaque seconde où j'étais aux prises avec mon lavement j’ai eu peur que dans sa tournée, il en soit arrivé à ma porte qui évidemment n’a pas de verrou et la salle de bain non plus. Manque plus que les caméras et c’est le Loft. Et ensuite, quand l'infirmière m'a intimé de me raser le pubis, devant mon étonnement ("Si je l'avais su avant j'aurais été chez l'esthéticienne!") il a d’abord cru que j'étais esthéticienne (bon le gars parle fort mais n'écoute rien) , ensuite il m'a dit qu’il était trop tard pour appeler une esthéticienne (bon le gars parle trop fort et est demeuré) et m'a fait des blagues nazes sur l’esthéticienne de Christina Cordula « Ma chérie ton épilation c’est magnifaïque » (bon, sortez-moi ce gars ou je me jette dessus avec la tondeuse électrique qui chauffe et crame la peau, tu vas voir ton crâne va ressembler à mon pubis!).
Jour 2:
On m'a réveillée à 5h30, merveilleuse nuit reposante donc avant mon opération, je suis prête à 6h15 et je poireaute jusqu’à 7h55, la télé ne marche pas, elle freeze, je n'ai pas la tête à lire, j'attends. Mais je n'ai pas été prévenue la veille que le fait de me réveiller après l'opération en soins continus impliquait que mon palace des années 70 allait être réattribué en mon absence alors j'ai pris grand soin de m’installer de façon à pouvoir accéder facilement à mes affaires à mon retour quand je serai impotente. J'ai bien défait ma valise et mon sac, tout rangé dans les placards et la table de nuit en anticipant mes besoins au retour. Ce sont les brancardiers qui viennent me chercher pour m'emmener en salle d'opération qui me mettent au courant, bref, trop tard, ce sera une infirmière ou un aide soignant qui remettra toutes mes affaires en vrac dans ma valise et mon sac. Super, j’adore qu’on touche à mes culottes. Je râle, je dis en passant à l’infirmière qu’elle aurait dû me dire de ne pas défaire mes valises, elle me répond qu’elle n’était pas au courant que j'allais passer par les soins continus. Sans déc! Je suis en train de regretter de ne pas avoir écrit en gros sur mon ventre "pas de ce côté" ou bien "Merci de ne pas m'amputer", j'espère que le chirurgien, lui, n'est pas aux fraises.
Je ne l'ai pas vu, je dormais déjà.
Je me réveille dans un box aux soins continus, je comate, je suis shootée. C'est vitré de partout, il y a des stores en lamelles par dessus qui m'empêchent de voir mes voisins mais pas d'entendre les infirmières leur crier de se réveiller, de leur serrer la main, de pas mourir tout de suite quoi, ça bip tout le temps, tout le temps et de tous les côtés. C'est effrayant. Le store en lamelles qui donne sur le devant, vers la salle de surveillance et le couloir est cassé et stoppé au milieu de la vitre donc j’ai le droit à la lumière plein phare toute la nuit, de toutes les façons, ça s'allume aussi à droite et à gauche de façon régulière quand c'est pas chez moi pour savoir "Comment ça va?" et observer, je suppose, mes différents moniteurs, puisque je suis branchée également, ou changer mes perf. C'est une drôle de question quand même, comment ça pourrait aller? Ah oui, ça pourrait aller pire, comme la dame d'à côté au sujet de laquelle les soignants discutent acharnement et de fin de vie avec la famille devant ma porte OUVERTE! Ça aussi, c'est un problème! POURQUOI certains soignants laissent-ils systématiquement la porte grande ouverte sachant que toi tu es harnachée dans ton lit et que tu ne pourras pas la fermer toute seule et que pour autant t'aimerais avoir un tout petit peu d'intimité dans l'espace ridicule laissé par ton rideau cassé, ta sonde urinaire et autres branchements divers.
Jour 3 :
Ce matin toilette de chat faite avec un gant devant le lavabo mais surtout en vitrine puisque le lavabo est devant cette fenêtre au store cassé. Trop la classe à Amsterdam, je sens que Dodo la Saumure ne va pas tarder à passer la porte. Ce qui est bien pratique pour lui mais pas pour moi, c’est cette saleté de porte quasiment tout le temps laissée ouverte parce qu’une des 2 infirmières visiblement adore ça les portes ouvertes. Je n'ai plus la sonde urinaire mais me lever est tout de même une souffrance donc je ne vais pas le faire 10 fois dans la journée juste pour fermer la porte. Donc je supporte les bips et les conversations de couloir et je me démène pour ne pas trop montrer mon cul.
La télé ne fonctionne pas du tout, un technicien de maintenance était censé passer, que dalle, moi je ne suis pas encore au top pour lire longtemps, bref... j'attends que le temps passe.
Je n'ai toujours pas le droit de manger mais j’ai enfin le droit de boire et même l’obligation de boire beaucoup mais bon, j'ai pas de bouteille ...
J'ai fini par en avoir une, et entre ça et les perfusions sont venues les envies d'aller au petit coin. Les infirmières n'étaient pas d'accord, il a fallu que je pisse dans un sac sur un espèce de siège à trou comme avait ma grand-mère. Les infirmières de jour ont été sympas, elles ont essayé de coller du papier sur la partie basse de ma vitre au store cassé, bon ... c'est tombé plusieurs fois et puis l'équipe de nuit n'a pas eu envie de le recoller.
La nuit, parlons-en, vessie à bloc toutes les 2h, un poème. La première fois, je sonne pour qu'on vienne me libérer de mes différentes entraves. J'attends, j'attends, personne ne vient, 10 minutes passent, je me débranche moi-même de ce que je peux, j'entends les bips s'affoler, j'attends, j'attends, je suis assise au bord de mon lit, la chaise percée est en face de moi mais elle n'est pas équipée de sac, j'attends, j'attends, je n'en peux plus, je vais me faire dessus, je décide de trouver les toilettes. Sauf que j'ai été amenée ici endormie, je sors de mon box et je ne sais pas vers où aller. Je marche en crabe, pliée à 45 degrés, je traîne ma potence à perfusions, on dirait Quasimodo. J'ère pendant plusieurs minutes, je finis par trouver les WC au bout d'un couloir, la porte est une de ses portes lourdes qui se rabattent d'un seul coup, j'ai pas la place pour y faire entrer ma potence, je me débrouille. Je ressors, je me lave les mains, je suis au bout du rouleau, je retourne vers mon box et enfin je croise une infirmière qui commence à m'engueuler parce que j'aurais dû l'attendre et ne pas me débrancher seule. Je me doute qu'elle était occupée avec tous ces gens qui ont l'air plus morts que vivants mais j'allais pas me pisser dessus quand même, MERDE!
Pour le restant de la nuit, l'autre infirmière est venue assez rapidement quand j'ai sonné et moi je me suis assise sur ma dignité puisqu'à chaque fois que j'ai baissé ma culotte c'était exactement au niveau de la vitre sans rideau : tu l'as vu? Quoi? mon cul, ma tête, mon cul.
Le jour 4 est le jour où je suis remontée vers les chambres, l'infirmière qui ne sait pas pourquoi tu es là et l'aide soignant qui gueule, mais il était passé de jour. L'équipe de nuit était normale.
Aux premières lueurs du 5ème jour, à l'aube, j'ai regardé à l'Est et le chirurgien qui est venu m'a autorisée à enfin prendre un repas, autant vous dire que j'avais hâte parce que les perfusions c'est bien sympa mais votre estomac lui, il en a rien à foutre, il est tout vide et il râle, la rinçure de soupe, il sait bien lui que ce n'est pas de la vraie nourriture. A midi et demi, l'infirmière est entrée dans ma chambre pour vérifier ma tension, ma fièvre et tout le toutim, elle a vu que je n'avais pas de plateau, moi j'attendais patiemment mais en fait on m'avait oubliée. Naaaaaannnn! Siiiiiiii! Mais qu'à cela ne tienne, elle est partie me chercher un plateau, c'était celui prévu pour un autre patient, il y avait son numéro de chambre dessus, bon je ne sais pas, il était peut-être mort, en tous les cas il n'avait visiblement plus besoin de manger. Mais ce qui est sûr c'est que dans une unité où on traite des patients avec des problèmes intestinaux, l'adaptation des menus c'est pas juste pour faire joli, normalement il y a une logique, moi je le savais bien hein que tous ces légumes là, c'était pas adapté à mon cas, mais j'avais vraiment faim, j'allais quand même pas crever la bouche ouverte, j'avais rien pris avec moi dans mes bagages, "pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau", alors même s'il n'y avait pas de sel, j'ai tout mangé. Et puis quelques temps plus tard, j'ai eu la première diarrhée de ma nouvelle vie! Alors on dit merci qui? Merci la vie!
Entre temps, j'avais été marcher dans le couloir, histoire de montrer que je faisais définitivement partie du monde des vivants et qu'il fallait me laisser sortir de là, et bien franchement, ce n'était pas évident au premier coup d'œil. D'abord parce que je marchais comme une petite vieille, mais surtout partout où mon regard se posait, si j'avais le malheur de tourner ma tête vers la droite ou la gauche, à cause de ces saloperies de portes restées grandes ouvertes à cet étage aussi, je tombais sur de vieilles personnes auxquelles j'aurais pu piquer le plateau repas sans qu'elles ne s'en aperçoivent et ce même en faisant mes tous petits pas. J'ai même vu un monsieur gisant sur son lit avec une couche. Horreur malheur. Franchement, je me suis imaginée à sa place, entendant que ma porte est ouverte et que tous ceux qui passent ne voient pas ma tête certes, cachée par l'angle du mur, mais voient tout le restant de mon corps comme ça ... ayez pitié!
Le 6ème jour, j'ai eu le droit de retourner du côté de la vie.
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