Déjà, le jour de la pré-rentrée, elle m'avait regardée ranger toutes les fournitures commandées sans daigner bouger son séant du fauteuil de bureau dans lequel elle était installée, vissée à son ordi alors que moi j'avais mille trucs à faire et que je lui avais demandé plus tôt de s'en occuper. Ça m'avait passablement gonflée mais j'avais pris sur moi. Je n'avais rien dit parce que j'avais bien eu conscience que si une phrase sortait de ma bouche à ce moment là, je l'aurais pourrie.
Depuis, elle se comporte comme si elle était élève, alors que ça normalement c'est son statut pendant qu'elle est en formation théorique l'autre moitié de la semaine. A l'école, elle est payée pour bosser comme n'importe lequel d'entre nous. Et moi, contrairement aux maîtres formateurs qui vont venir la voir 3 fois dans l'année pour parler de ses pratiques pédagogiques, je ne suis pas du tout payée en plus pour lui apprendre toute l'année tous les aspects de son métier sur le terrain.
Or, elle ne prend aucune initiative, attend qu'on lui dise et re-dise quoi faire et comment faire. Exemple : 4 gamins se sont battus en récréation, elle ne sait pas quoi faire? Et bien : tu soignes, tu les écoutes, tu mènes ta petite enquête en croisant les infos, tu leur remontes les bretelles et tu fais un rappel des règles et puis si ça ne suffit pas tu punis ceux qui le méritent. La procédure ne me paraît pas incroyable à deviner! La mener à bien correctement demande un peu d'expérience et peut-être de l'aide, mais la tenter ... faut juste arrêter de croire que tu n'es là qu'en observation!
Ou, elle me parle d'un élève particulièrement difficile juste devant la dame qui fait le ménage dans la classe et qui bien entendu habite la commune, alors que je lui ai dit expressément de faire attention à ce qu'on appelle la con-fi-den-tia-li-té.
Ou encore, elle sort faire du sport sans trousse de pharmacie, sans les médicaments des élèves qui ont des PAI, sans les fiches de renseignements avec les numéros des parents et encore, il a fallu que je lui rappelle la veille de me remplir la demande d'autorisation de sortie. C'est Alice au pays des merveilles (et moi la terrible reine de cœur) mais elle ne se rend pas compte que si sur le chemin un gamin se fait mordre par un chien (ce qui m'est déjà arrivé), si au cours de la séance de sport un enfant fait une crise d'asthme sévère, ou je ne sais quoi d'autre, ça peut être grave et ce sera tout pour sa pomme, son assurance perso et même, si cela va loin, sa responsabilité pénale individuelle parce que déjà que lorsqu'on fait les trucs dans les règles on n'est que très moyennement protégé par notre hiérarchie, mais alors si ce n'est pas le cas, t'as vite fait de te retrouver une main devant, une main derrière.
Et puis pour organiser en duo notre réunion de rentrée qui avait lieu vendredi, je lui avais proposé qu'on prépare ce qu'on avait à dire et les différents sujets à aborder chacune de notre côté et qu'on mette ça en commun jeudi midi. Alors jeudi, je me pointe avec mon doc qui fait à peu près 4 pages (et pas tapées en arial 22). J'ai mes différents paragraphes avec les thèmes à aborder, j'suis au taquet. J'arrive en salle des maîtres, elle a fini de manger. Je me mets moi-même à me sustenter à quelques places de là parce que d'autres collègues sont déjà assises et dis :
- On s'y met ?
Et là elle se lève et vient se planter quasiment derrière moi, adossée à un meuble.
- Euh, tu peux t'asseoir, ce sera plus simple.
(Et puis surtout, je vais pas te faire un exposé, ça s'appelle une réunion de travail, faut que tu participes.)
Elle s'exécute et je prends dans les mains mon doc jusque là posé sur la table. Et là, elle attrape un bout de papier et un stylo qui traînent sur la table. Donc en fait je me retrouve tout simplement à lui proposer une répartition de ce que j'ai prévu d'exposer aux parents, histoire qu'elle ait quand même des trucs à dire et donc qu'elle passe pour une vraie maîtresse (comme quoi, malgré ce qu'on croit, je suis trop gentille). Elle, elle n'a rien glandé. Elle attend tout de moi.
C'est bizarre quand même non? Parce que moi quand j'ai commencé, j'étais déjà plus toute jeune, donc je pouvais laisser supposer aux parents d'élèves que j'avais déjà eu des classes ailleurs, dans d'autres écoles. Et pourtant j'avais réfléchi un moment pour préparer correctement ma réunion de rentrée. Alors que là, physiquement on se doute qu'elle n'est pas bien vieille, mais si en plus, elle n'a pas du tout préparé ce qu'elle doit dire, elle va avoir du mal à montrer qu'elle maîtrise la situation voire même à faire supposer qu'elle a un petit peu d'expérience. Certains parents ont très vite fait de se régaler de jeunes gens comme ça : ils les repèrent, les attaquent à la première occasion et puis leur pourrissent leur année et leur réputation. Le seul bon côté des choses dans ces cas là, c'est que vu ton statut, tu n'as pas encore de poste fixe et l'année suivante tu ne recommenceras pas les mêmes erreurs dans une autre école.
Enfin, pour couronner le tout, le soir de la réunion, elle démarre en cherchant des yeux sur MA feuille ce qu'elle doit dire vu que j'ai consciencieusement noté dans la marge qui s'occupait de quelle partie. Mais malgré ce support , elle commence par ce que nous avions convenu de dire en point n°4 donc exit la présentation de la classe, de ce à quoi doit servir le CM2, des principes de fonctionnement généraux de la classe et des différents cahiers et classeurs ou manuels. On est passé directement aux matières dont elle s'occupe elle. Et moi, derrière, j'ai galéré pendant une heure pour essayer de rattraper le coup ou plutôt les coups parce que tout a été à l'avenant malgré mes "Tu peux peut-être parler de ceci?"ou "Tu dis un mot de cela?" pour essayer de la repêcher (d'ailleurs pourquoi me suis-je acharnée, mystère): aucune cohérence, aucun enchaînement logique, un gros fourzytout d'informations dans tous les sens ... J'étais dégoûtée!
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